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Abel PRADALIE

Née en 1970 à Montpellier. Vit et travaille à Paris

"Tels des vestiges archéologiques déterrés et révélés au jour de la modernité, les figures , les paysages, qui surgissent de la matière, sont des traces d'une mémoire fantôme. Grandes et intimes, les histoires dépeintes greffent lignes et thématiques immuables à la chair d'une réalité quotidienne. Entre réalisme et abstraction, trivialité et solennité, érotisme et inquiétude, ces fictions humaines s'incarnent dans la matière de façon ambivalente. Elles vont et viennent dans l'imaginaire, se donnent, se métamorphosent, disparaissent. Comme un rêve. Spectre clair obscur.

Dans les tableaux d'Abe pradalié, paysages et figures proviennent de sources diverses. De la grande peinture classique et réaliste. L'artiste a particulièrement regardé Frans Hals, Rubens, Jordeans, Courbet et Frédéric Bazille. Mais aussi de photographies trouvées au hasard, de saisies sur le motif ou d'après modéles à l'atelier. Éternel et transitoire ainsi se mêlent. Le passé se greffe au présent et trouve des résonances avec l'histoire intime de l'artiste"

Amélie Adamo, Abel Pradalié, la matière fantôme, (extrait), Artension n°138, p. 29 - 31

C’est (...) bien à la peinture que A. Pradalié est formé, visuellement, par la présence des oeuvres de son père Philippe Pradalié qui depuis les années 1960 maintient un travail figuratif transcendant les débats sur le médium. Plus tard, à la fin des années 1990, c’est à l’Ecole nationale supérieure des Beaux-arts de Paris qu’il poursuit son exploration du très riche potentiel de la peinture, en intégrant l’atelier de Jean-Michel Alberola et au contact de Vincent Bioulès et Vladimir Vélikovic : chacun ayant réussi à se positionner d’une manière singulière en définissant son propre climat et en mettant constamment en question les limites de la peinture dans leur entreprise. Au départ, pour Abel Pradalié, la peinture se passait sur le terrain, il peignait sur le motif, au contact direct du sujet à prélever.

 

Ces expériences le conduisent plus tard, vers 2005, à entreprendre une série de grandes vues panoramiques de la ville de Madrid dans lesquelles il travaille particulièrement sur les différentes orientations du regard ouvert à 180°. C’est avec cette série qu’il parvient à penser les liens subtils entre le sujet et les outils qui permettent de le donner à voir, qui parfois peuvent s’affirmer en temps que tels et prendre le pas sur le référent. Depuis 2008, il pense ses peintures par associations de thèmes iconographiques composites dans lesquels certaines parties sont extrêmement détaillées et d’autres à peine envisagées ou maintenues à l’état d’aplats colorés. (...)

 

Les jeux optiques sont un matériau à part entière. Les peintures se lisent rarement d’une manière immédiate et frontale, elles cachent de nombreuses distorsions qui doivent inciter le regardeur à libérer son approche subjective. L’artiste ne distribue pas les différents plans dans un système progressif à la manière des grands paysages de Nicolas Poussin, mais rompt avec cette logique d’étalement en détaillant beaucoup, par exemple, la silhouette d’un volcan visible au loin qui focalise le regard, au détriment d’un personnage du premier plan à peine esquissé. Ce type de renversement est prolongé par la récurrence de détails anthropomorphiques ou traités comme des anamorphoses. Des déformations qui peuvent conduire à des lectures doubles et permettant de camoufler des animaux comme dans Wunderkind où une sorte de chien fantastique surgit à peine d’un panache de fumée. Ces transformations optiques sont accompagnées par la convergence de plusieurs régimes d’échelles au sein d’un même tableau. Des figures lilliputiennes situées dans des champs ne semblent pas participer aux mêmes niveaux fictionnels que des personnages à l’échelle par rapport au paysage. Dans Partie de chasse en Bourgogne, Abel Pradalié joue avec ces ruptures pour rompre le fil narratif et y maintenir une part de mystère. Il ne s’agit pas de représenter des sujets vraisemblables, mais de manipuler avec les outils offerts par la peinture le vocabulaire iconographique tiré du réel. L’artiste cherche avant tout à susciter une ambiance suffisamment énigmatique pour conduire l’esprit à divaguer.

Gwilherm Perthuis (extrait)

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